Wallonie


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Est-il géopolitiquement possible de rapprocher la France de la Wallonie ?

Les évènements récents en Belgique démentent La Brabançonne, quand elle affirme que “Nous le jurons tous, tu vivras, tu vivras toujours grande et belle, et ton invincible unité aura pour devise immortelle Le Roi, La Loi, La Liberté” : certaines forces flamandes poussent à la rupture ; le 13 décembre 2007, la volonté de faire inspecter les écoles francophones des communes à facilité BHV par des inspecteurs néerlandophones semble être un acte de sabotage de toutes les tentatives de négociation autour de l’Orange Bleue.

Ces turpitudes font chuchoter çà et là, l’idée d’une Belgique française, qui réunirait la Wallonie (germanophones compris) et Bruxelles tout en les rapprochant de la France pour s’insérer dans un espace viable. Cela pose inévitablement l’éventualité de l’accueil des Wallons dans la France.

Un tel scénario ne peut être appréhendé sans un regard sur les relations géopolitiques entre la Wallonie et la France.

La Wallonie, un espace culturellement français mais politiquement centrifuge.

Les termes Wallons et Welches - population romanes du versant oriental des Vosges - ont un sens voisin : habitants de langue romane aux confins des terres germaniques. Le rapprochement entre Wallonie et Alsace peut donc être tentant. Mais c’est, me semble-t-il un écueil.

L’Alsace-Moselle, en effet, est souvent considérée - quoique cela soit parfois contesté par les habitants - une entité culturellement germanique mais politiquement française : en atteste la statue de la Liberté, oeuvre nous venant de Colmar où vivait Bartholdi ; en attestent le pont du Rhin en 1792 ou le succès de la petite propriété qui s’est forgée contre la féodalité germanique. L’annexion par l’Allemagne en 1871 fut une véritable déchirure sur cette terre où le patriotisme français était beaucoup plus intense que dans l’Ouest de la France (du fait notamment du souvenir des Guerres de Vendée).
Or la Wallonie, c’est exactement la situation inverse et symétrique : une entité culturellement française mais politiquement étrangère, ou du moins centrifuge.

Sur le plan culturel et gastronomique, les faits sont éclatants. Les fromages wallons sont encore plus variés - ramenés à l’échelle de la région - que les fromages français ; les bières s’épanouissent sur un sol ne pouvant accueillir la vigne, et leur variété, leurs qualités sont à mettre en regard de celles des vins français. D’ailleurs, la proximité avec la France est marquée par une terminologie étonnante, celle de Communauté Française (et non de communauté francophone), alors que pour les autres composantes de la Belgique on parle de Communauté Flamande et de Communauté Germanophone.

Sur le plan politique, c’est une autre affaire. Par exemple, les fêtes locales de l’Entre-Sambre-et-Meuse, sous des costumes napoléoniens, sont trompeuses : elles célèbrent en fait les réfractaires à l’ordre français qui continuaient à pratiquer leur foi affublés ainsi pour écarter les soupçons.

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Fête locale dans le Hainaut. Déguisés en soldats napoléoniens, les marcheurs rentrent dans l’église…

Cette cérémonie célèbre le mode de résistance des Wallons qui, sous l’occupation napoléonienne, se déguisaient en soldats français pour pouvoir continuer à pratiquer leur religion librement.

Plus généralement, la Wallonie est épargnée par tout ce qui en France est centralisé. Sa structure politique est beaucoup plus municipaliste. Au cours de l’histoire, elle a échappé à tous les impôts français comme la gabelle, de même que les entités des Pays-Bas espagnols annexés par la France (le Département du Nord) et dans les autres régions françaises rattachées tardivement (Bretagne). La carte des exemptions de la gabelle coïncide aujourd’hui d’ailleurs avec celle de la gratuité des autoroutes, effective aussi en Belgique. L’autoritarisme français, lors des conquêtes de Louis XIV avait d’ailleurs suscité des forces centrifuges voire de la francophobie, qui fut tardivement sensible en Thiérache. Le rattachement, lors de l’occupation allemande en 1940, du Nord-Pas-de-Calais à la Belgique suggère que ce souvenir n’est peut-être étranger à la stratégie d’occupation et à la propagande allemande.

Le parti rattachiste wallon (RWF) est engagé dans une impasse.

Le RWF, parti rattachiste wallon, a donc commis une erreur monumentale en faisant profession de foi jacobine et parisianiste. C’est dans un contresens géopolitique majeur que ce parti s’enfonce en faisant sa fête annuelle à Waterloo et en affirmant un fort anticatholicisme. Le ciment de la Belgique fut précisément la religion catholique, qui unit francophones et néerlandophones contre la domination des Provinces-Unies. Plus, la forte tradition localiste et municipaliste caractéristique des villes des ex-Pays-Bas espagnols est assez incompatible avec le centralisme français.

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Le drapeau proposé par le R.W.F. - parti rattachiste wallon prônant le rattachement à la France.

Ce parti tient un discours très jacobin, tout en célébrant le souvenir de l’occupation napoléonienne. Il est proche de politiciens français comme Jean-Pierre Chevènement et Georges Sarre, aux positions extrêmement centralisatrices et autoritaires. Evidemment, un tel discours ne peut pas passer en Belgique. Les faibles scores de ce parti aux élections en attestent.

Une sensibilité sociale particulière, toutefois, rapproche la Wallonie et la France.

Espace culturellement et politiquement non français… On pourrait dire la même chose du Québec… Toutefois, les Wallons se distinguent par une très forte sensibilité sociale, qui, dans la conjoncture actuelle de la mondialisation, la rapproche à l’évidence politiquement de la France.

Dans un certain discours flamand anti-wallon, c’est bien cette réticence au libéralisme qui est reproché aux Wallons. C’est aussi le libéralisme qui rapproche certains politiciens flamands des anglo-saxons.

CONCLUSION

En définitive, les Wallons ont un profil qui pourrait les rapprocher de la France mais qui les oppose clairement aux Français de l’Intérieur, pour reprendre l’expression couramment employée en Alsace.

Un rattachement à la France ne saurait se faire sans un statut particulier et dérogatoire fort, pour épargner aux Wallons les traits les plus pénibles qui caractérisent la France : le juridisme, le légalisme, les administrations obtuses, les lois léonines et les reliquats des privilèges de l’Ancien Régime que sont les conservateurs des hypothèques et les trésoriers payeurs généreux, héritiers directs des fermiers généraux. L’idéal serait même que ce statut dérogatoire produise un fort attrait sur les Français et les pousse à donner un grand coup de balai dans ces institutions désuètes et rétrogrades. Au final, les deux partis auraient à y gagner. Mais gardons à l’esprit que seuls les Wallons, le cas échéant, décideraient et qu’aucune immixtion française dans leur choix ne doit poindre.